Naître femme, un combat ?
C'est un ouvrage de circonstance signé Yannick Ripa que CulturActu a décidé de vous présenter en ce 8 mars pour la Journée internationale des droits des femmes. Cette "Histoire féminine de la France de la Révolution à la loi Veil" publiée chez Belin est exceptionnelle tant par son contenu que son iconographie. Et nous interroge au fil de ces 768 pages riches en documents variés: "Naître femme a t-il toujours été un combat et l'est-il encore aujourd'hui ?"
Fracturée, la société française voit actuellement des paroles de femmes se libérer. Pendant des millénaires, elles ont été les silencieuses, catégorie à la fois visible et invisible. Leur émancipation a été longue et difficile. Elles se sont pourtant exprimées, au fil des temps, d'avancées en régressions, conquérant peu à peu des droits face à leurs devoirs. Les voix des femmes d'aujourd'hui qui s'élèvent nous interrogent... Cette émancipation est-elle vraiment complète ?
Yannick Ripa, dans son ouvrage, plonge dans les racines de cette (r)évolution des femmes qui a permis une avancée, à petits pas, face à un patriarcat millénaire. Ce sont elles, entre 4000 et 7000 âmes, issues du peuple, qui partirent, dans une marche pour la survie, réclamer du pain au Roi Louis XVI à Versailles en 1789. C'est aussi Olympe de Gouges, dont Yannick Ripa rappelle le destin qui sera considérée comme étant la première féministe de cette période tourmentée. La Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen promulguée en août 1789 lui fait rédiger deux ans plus tard, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne instaurant l'idée que "la femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits". Un texte choc mais ignoré. Non épargnées par la Terreur révolutionnaire, les citoyennes de toutes conditions, nobles, femmes du peuple ou religieuses monteront à l'échafaud... Un temps que Yannick Ripa tisse entre témoignages d'époque et synthèse chronologique.
Sur la suite de l'Histoire, l'auteure interroge sur le triomphe de la domination masculine au XIXème siècle: ainsi, Napoléon dans le Mémorial de Sainte Hélène explique que "La femme est donnée à l'homme pour qu'elle lui fasse des enfants; elle est sa propriété comme l'arbre à fruits est celle du jardinier".
Quinze ans plus tard, la femme nourricière est représentée, appelant au combat par le peintre Delacroix
lors des Trois Glorieuses, les journées révolutionnaires de 1830. Elle incarne "La Liberté guidant le peuple" coiffant le bonnet phrygien et entourée de figures masculines au combat pour renverser le pouvoir en place. Allégorie ? L'auteur analyse images et faits. Mais qu'en est-il de l'esprit de la société de la Révolution industrielle ?
A la campagne ou en ville, les petites devenues jeunes filles devront être surveillées et devenir "bonnes à marier". L'idée de cette union est pressentie souvent de longue date par les parents et celles qui ne trouvent pas d'époux craignent de devenir "vieilles filles".
Si elles sont pauvres et mariées elles assument toutes les tâches. Ainsi, Yannick Ripa cite le témoignage de Victorine Brocher qui décrit "de pauvres femmes travaillant de douze à quatorze heures par jour pour un salaire dérisoire, ayant vieux parents et enfants qu'elles étaient obligées de délaisser." retraçant l'ambiance du Paris de l'époque "l'enfer des honnêtes travailleuses..." qui "entrevoient la mort comme une heureuse délivrance". C'est elle encore qui s'émeut du travail des mères protectrices de leurs enfants mais qui doivent les envoyer au combat, soulignant l'absurdité de la guerre, celle de 1870, prélude à d'autres conflits qui allaient déchirer le siècle à venir.
Difficile XIXème siècle qui voit, malgré tout, en 1878 le premier Congrès international du droit des femmes. Mais la route est encore longue. Qu'en est-il du XXème ? Celui des deux guerres mondiales qui ont vu les femmes devenir "chefs de famille" remplaçant les hommes dans les tâches les plus lourdes, ouvrières de guerre souvent, avant de devenir des veuves chargées d'enfants orphelins. Evoquant l'entre-deux-guerres, dans une France paradoxale qu'il faut repeupler, avant de repartir au combat, l'auteur enchaîne sur la Seconde guerre mondiale évoquant résistantes, collaborationnistes, femmes juives persécutées par les nazis, dans des recueils de témoignages émouvants. Avant que le droit de vote soit enfin concédé à la gent féminine en... 1944.
S'ensuivent le Baby-boom d'après-guerre, la maternité heureuse ou pas, les avortements clandestins, l'autorisation de la contraception en 1967 avant le mai 68 de la jeunesse, la création du MLF (Mouvement de libération des femmes) en 1970 et en 1974, le vote de la loi autorisant l'avortement menée par Simone Veil.
La suite de l'histoire des femmes est à écrire. Ne manquez donc pas cet ouvrage de Yannick Ripa qui nous invite à comprendre l'histoire actuelle en regard de celle d'hier. Et réécoutez, en cette journée, la chanson de Jean Ferrat, en 1975, "La femme est l'avenir de l'homme". Enfin, suivez le programme de ce 8 mars sur le site des Nations Unies.
Marie-Hélène Abrond
Publié le 7 mars 2021
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