"L'essence de l'Homme, c'est l'oubli", ainsi s'ouvre "Les témoins de Lendsdorf", d'Amichai Greenberg, l'histoire d'une quête, d'une enquête pour la Mémoire, sorti cette semaine au cinéma.
Yoel Halberstam (incarné par Ori Pfeffer) est un historien juif orthodoxe, chargé de la conservation des lieux de mémoire liés à la Shoah. Lorsqu'il apprend qu'un village autrichien veut construire des batiments sur les lieux présumés d'un massacre perpétré en 1945, il met son énergie à retrouver les traces de la fosse commune.
Avec un compte à rebours... de 7 jours.
Le défi est d'ampleur. Les premières images en témoignent : l'immensité d'un champ en Autriche et aucune preuve tangible que 200 juifs ont été assassinés là et "jetés" dans une fosse commune pendant la "Marche de la Mort" à la fin de la Seconde guerre mondiale.
Si le film et le personnage de Yoel appartiennent à la fiction, l'histoire est inspirée de faits réels, en référence au massacre de Rechnitz perpétré en mars 1945 et aux recherches menées pour retrouver la fosse. Amichai Greenberg l'explique. Dans l'histoire, la vraie, "il y avait deux témoins: un juif et un non juif. Quand le témoin juif est retourné là-bas, il a été assassiné. Le témoin non juif était celui qui avait amené les armes pour tuer les juifs et lui aussi a été assassiné alors qu’il s’apprêtait à indiquer la localisation de la fosse dans la forêt."
Dans la fiction, Yoel, sac sur le dos s'interroge: il faut retrouver des témoins encore vivants, un réseau d'informations complexes, faites de peurs, de non-dits, de cauchemars qu'on a voulu oublier, de traces effacées pour cacher la vérité.
Au delà de l'exhumation des êtres, c'est à une exhumation de la Mémoire à laquelle nous invite le héros de l'histoire. Une enquête palpitante, la recherche de la vérité par le relevé d'indices, le croisement d'informations. Mais à travers l'enquête, c'est aussi la quête de son identité personnelle qui est dévoilée, complexe, différente de celle à laquelle il avait toujours cru et qui remet en cause la réalité de sa Foi.
C'est enfin la solitude de l'homme perdu dans le labyrinthe de l'Histoire et de son histoire qui est évoquée. Pourquoi retourner les cendres du passé ? Pourquoi ne pas se résoudre à tout abandonner pour se tourner vers l'avenir ?
Un flot de questions dans ce film qui se suit comme un thriller empreint d'émotions, d'une absolue détermination avec une conclusion en guise d'hommage "A ceux qui ont tout perdu et choisi la vie."
Marie-Hélène Abrond
A noter que ce film a reçu plusieurs prix du public et du jury lors de festivals. Il a également été présenté en première mondiale à la Mostra de Venise.
Publié le 17 mars 2019
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