Maité Leon, artiste dans l'âme
A la veille du 8 mars, CulturActu célèbre les femmes artistes en rencontrant Maité Leon. D'origine franco-grecque, la palette de ses talents est à la mesure de ses oeuvres sensibles, en lien avec l'actualité et les symboles. Mais Maité Leon a aussi d'autres cordes à son arc. Collaboratrice du caricaturiste Jean Plantu au journal "Le Monde", c'est elle qui a procédé à l'archivage des 25 000 dessins qui sont désormais protégés à la Bibliothèque Nationale de France. Un travail de fourmi qui a duré onze ans. Interview.
Comment est née votre vocation d’artiste ?
Mon père était artiste peintre. Son atelier était dans la maison. Je me souviens avoir dessiné dès que j’ai pu tenir un crayon. Puis, j’exposais mes créations dans le salon sur un fil tendu avec des pinces à linge. J’ai toujours peint, dessiné, créé. Lorsque j’ai commencé à travailler à mon arrivée en France, dans les années 90, j'ai été naturellement poussée vers des métiers liés à l’édition, la création et le divertissement. J’ai aussi pratiqué la danse contemporaine dans une compagnie amateur pendant 8 ans. Ces métiers et ces pratiques ont toujours nourri mon travail artistique.
Votre activité prend de plus en plus d’ampleur en étant visible grâce aux réseaux sociaux et votre site. Vous dîtes que « L’inspiration est juste au coin de la rue, j’ai juste besoin de la saisir rapidement avant qu’elle ne s’enfuie »...
L’inspiration est un état dans lequel je me trouve, un entre-deux, comme si j’étais sur le point de me réveiller ou de m’endormir : c’est là que mes idées prennent forme. Et puis, le monde qui m’entoure est une source intarissable d’inspiration et d’idées. Le défi consiste à retranscrire le plus fidèlement, un ressenti fugace, impalpable, volatil à travers mes illustrations.
Votre œuvre fourmille de références symboliques, comme la représentation des fruits souvent en lien avec la mythologie grecque...
Je puise mon inspiration dans les symboles, les mythes, les contes, les univers du merveilleux et de l’inconscient collectif. J’essaie d'extraire la représentation des choses dans un langage le plus universel possible, compris de tous. J’ai une passion pour le travail de Carl Gustav Jung, notamment sur les archétypes. Je me souviens avoir lu La Psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim lorsque j’ai appris sa mort tragique. A l’époque, je me trouvais à la bibliothèque du Lycée Français d’Athènes, où j’ai fait toute ma scolarité et cela m’avait marqué. Depuis, je n’ai cessé d’explorer les méandres de la psyché humaine dans une volonté de comprendre ce que signifie être humain, ce qu’est la vie, le monde.
En quoi la mythologie vous inspire t'elle ?
Pour moi, la représentation des dieux de l’Olympe n’est en rien différente de celle des hommes, en proie aux mêmes tourments que le commun des mortels, animés par les mêmes passions. Ils peuvent aussi se montrer cruels, injustes ou bienfaisants. Ces divinités sont pleines d’humanité.
A-t-elle toujours fait partie de votre vie ?
Ce sont les contes de mon enfance, même si, à l’époque, je n’en effleurais que la surface. Aujourd’hui, lorsque je veux approfondir mes connaissances je me plonge dans "Les Mythes grecs" de Robert Graves. Mes divinités préférées sont Aphrodite (ou Vénus chez les Romains), symbolisant le renouveau et la vie, Artemis (Diane), la déesse de la chasse, protectrice des animaux et de la nature, les trois Moires (Parques), tisseuses de la destinée veillant sur le sort des mortels, le mouvement des sphères célestes et l’harmonie du monde. Le Minotaure est l’une de mes créatures préférées, mi-homme et animal qui symbolise la dualité et la transformation.
L’actualité est aussi source de votre inspiration.
Love vaccine est né le jour de la Saint-Valentin. Je me suis posé deux questions: « Quel sujet monopolise les médias ? » et « De quoi avons-nous le plus besoin aujourd’hui ? » J’ai pensé à un vaccin d’amour universel… La pandémie renforce les peurs : peur de l’autre, de tomber malade, de perdre son emploi, de mourir… On perd ce qui est au coeur de notre humanité, le lien social, la proximité, le toucher, la chaleur humaine. Dans cette ambiance déshumanisée et médicalisée surgit l’angoisse, la solitude, la dépression. Le remède n’est pas seulement un vaccin mais tout le tissu social de nos sociétés qui doit être réparé. Alors, j’ai bon espoir : l’amour guérit tout !
Dans « La certitude incertaine », vous vous inspirez d’une oeuvre de Giorgio de Chirico intitulée « L’incertitude du poète ». En quoi cet artiste vous touche particulièrement ?
Giorgio de Chirico est né en Grèce en 1888. Dans son tableau L’Incertitude du poète en 1913, il s’est inspiré de la mythologie grecque. Je me suis imprégnée de son univers et de ses influences lors de la visite de son exposition au musée de l’Orangerie, à Paris. « La certitude incertaine » est un hommage à son travail, avec une version plus personnelle de son tableau par le biais du collage numérique, une composition faite de plusieurs éléments séparés. J’ai voulu retranscrire cette ambiance si particulière de ses tableaux.
Quels sont vos outils de travail ?
Je commence toujours par l’esquisse d’une idée au feutre avec une idée assez précise en tête de l’illustration finale. Puis je commence à rassembler les éléments de ma composition : photos, découpages, peinture, aquarelle… Je photographie beaucoup de choses avec mon téléphone portable. J’utilise des images de référence pour l'ambiance, les couleurs, les textures que je veux apporter à l’image. Ensuite, j’importe tous les éléments dans Photoshop ou Illustrator et je commence à créer ma composition. J’ai une tablette graphique Wacom Intuos Pro pour dessiner.
Pourriez-vous me parler du travail d’archivage d’autres œuvres, à savoir les dessins de Jean Plantu qui a abouti à la protection de ses œuvres à la BnF ?
Il s’agit d’un travail minutieux d’archivage des dessins et brouillons de Plantu commencé en 2009 et finalisé en mars 2021, avec le départ de Plantu à la retraite. La collection comprend près de 25 000 dessins. Mon travail a consisté à identifier, répertorier et indexer les archives papier et numériques. Cette collection est en dépôt à la Bnf et accessible aux chercheurs.
Pouvez-vous m’expliquer comment est née cette aventure d’archivage des oeuvres de Jean Plantu ?
Tout a commencé peu après mon arrivée au journal "Le Monde" en tant qu’assistante de Plantu. On m’avait signalé que des boîtes d’archives trainaient dans un recoin du sous-sol et à ma grande surprise j’ai découvert des cartons éparpillés et à moitié éventrés, contenant des dessins originaux ! J’ai tout fait transporter dans mon bureau qui fermait à clef et j’ai entrepris de faire le tri. Cela a duré 11 ans… (A lire sur le blog de Maité Leon)
En tant qu’artiste qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans ses dessins qui puisent leur inspiration dans l’actualité ?
J’adore le trait dansant de Plantu, sa ligne claire : il y a toujours du mouvement et de la vie. Ses personnages sont dessinés avec élégance et respect, même si le ton peut parfois être irrévérencieux. Il a cette formidable capacité de synthétiser la politique, l’actualité, et les soubresauts du monde, le tout saupoudré d’humour qui fait sourire, réfléchir ou agir. Pendant près de 50 ans au journal "Le Monde", il a témoigné en dessins avec une imagination débordante, de la scène politique française et internationale. Et la curiosité, la bienveillance, la détermination et la générosité dont il a toujours fait preuve sont des qualités qui transparaissent dans son travail et source d’inspiration pour moi.
Pour découvrir les oeuvres et suivre l'actualité de Maité Leon, rendez-vous sur son compte Instagram, son site et acheter ses oeuvres sur la boutique Art majeur et Redbubble. Parmi ses projets, une exposition, dès que cela sera possible, avec l'association Les Artistes de Ménilmontant.
Marie-Hélène Abrond
Photos ©? Maite Leon, Adagp 2021
Publié le 2 mars 2021
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