Pierre Deny en interview.

Voilà un retour à ne pas manquer ! Pierre Deny et Pierre Azéma sont sur la scène du Théâtre de la Contrescarpe depuis le 14 octobre dans "Fausse Note", un huis clos liant suspense et Histoire. Et le public ne s'y trompe pas ! La salle qui affichait déjà complet fin 2019 était un vrai succès. Les comédiens s'extrayaient de leurs rôles avec émotion. Car l'émotion qui monte crescendo est le maître-mot de la pièce. 

"Fausse note", c'est la rencontre d'un chef d'orchestre (Pierre Azéma) dans une loge, en 1989, à Berlin avec Léon Dinkel (Pierre Deny), un fan pas comme les autres qui va le faire plonger dans le passé. C'est ce dernier que nous avions rencontré. Interview.

Qu'est ce qui vous a le plus touché à la lecture de cette pièce ?

Je l'avais vue à sa création avec Christophe Malavoy et Tom Novembre et avais été bouleversé par la qualité de la pièce. Quand Didier Caron me l'a proposée, je l'ai reçue comme un cadeau. Il y avait beaucoup de rebondissements, des fausses sorties et une tension de la première à la dernière minute. Une telle pièce est rare. 

Il y a l'histoire mais aussi votre personnage. Qu'est ce qui vous touché dans son caractère ?

Léon Dinkel porte sur ses épaules un poids immense depuis 45 ans. Il y a, à la fois une vengeance qu'il cherche à assouvir contre le chef d'orchestre et son non-accomplissement comme acte irrémédiable.  Léon Dinkel joue pendant toute la première partie, le rôle d'un fan un peu collant mais c'est totalement maitrisé. Il sait ce qu'il fait, ayant sans doute préparé son "jeu" pendant des années. Rien n'est laissé au hasard. Tout a été planifié.

Le chef d'orchestre Miller incarné par Pierre Azéma a un caractère particulier. Il se dit, dès le début de la pièce, humilié par son orchestre ce qui est un terme puissant. 

C'est un sanguin, colérique, vindicatif. Vous avez raison de souligner ce mot employé dès l'entrée en scène. L'auteur a glissé tout au long de la pièce des mots comme des indices, des termes forts qui ne sont pas un hasard dans le contexte de l'histoire qu'on découvre peu à peu. Quand je parle moi-même, du froid, du violon... ce sont comme des petites bulles éclatant au long de la pièce: les histoires personnelles finissent par rejoindre l'Histoire.

On trouve de nombreuses questions existentielles dans cette pièce: pardon, résilience, vengeance et un point commun entre les deux personnages: le rapport au père et la musique.

Il y a cette vengeance qui se traduit par un acte qui aurait pu être violent physiquement. Traduit en non-violence,  sa force n'en est que plus puissante. La réunion se fait au moment où pendant quelques secondes, les deux personnages se réunissent en jouant du violon. Il n'y a plus ni "méchant" ni "gentil", juste deux musiciens happés par leur passion. 

Cette pièce est un huis clos entre déni et volonté de justice. Au fond,Miller a t'il vraiment changé à la fin de la pièce ?

C'est juste. Une réplique est déterminante de la part de Miller "Mon père avait raison; vous êtes de la vermine". Cette phrase sonne comme un coup de poignard dans un déni de responsabilité et une forme de haine persistante inculquée par son père. Le public est lui-même surpris. 

Au fond, le thème de la pièce n'est-il pas "Comment vivre avec son passé qu'il soit douloureux ou monstrueux ?" ?

C'est l'une des questions fondamentales de la pièce. Miller sait que l'autre sait. C'est une forme de menace sous-tendue. Dinkel, lui sort partiellement soulagé car il a enfin accompli ce qu'il souhaitait et remis son sac à dos de souffrances à quelqu'un. Mais il est aussi en partie détruit.

Comment vivez vous cette émotion générée par vos deux rôles très forts ?

Les rôles sont très intenses. C'est la première fois que nous jouons ensemble. Nous sommes très amis dans la vie et c'est important pour ce genre de rôles. Cette pièce nous bouleverse et nous demande de plonger dans cette émotion . Nous ne venons pas jouer le coeur léger comme une pièce de boulevard  qui demande aussi beaucoup d'investissement. Ce sujet nous transperce tous les deux et il est impossible de feinter. On est habité par notre rôle jusqu'à la fin. En sortant, nous avons besoin d'une heure pour nous ressourcer. 

Actuellement au Théâtre de la Contrescarpe 

                                                                                          Marie-Hélène Abrond     

                                                                                               Publié le 19/11/2019, modifié le 4 novembre 2021

                                                    

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